Mercredi
9 Mai 2007,
19h.30. Rue Saint Ferréol.
Une
foule se presse,
arpente la rue. Des gens se croisent, s'appellent, se groupent, se
retrouvent,
plaisantent et rient. L'air est doux. Certains boivent des canettes de
bière ou
de coca, des enfants courent partout et mangent des glaces.
Tout au long de la
rue, de
chaque côté, contre les devantures de magasin, de
longues et étroites estrades
sont disposées en quinconce. Sur chaque estrade une file
d'hommes, de femmes ou
d'enfants se tient debout derrière des partitions musicales
posées sur des pupitres
. Ils ont tous un instrument de musique, le même pour chaque
estrade:
Là, des
guitares en bois
verni , plus loin d'élégants hautbois, en face de
fines clarinettes
étincelantes, ailleurs, des cors enroulés sur
l'épaule, puis des tubas en
colimaçon, des saxos aux courbes arrondies.
Une pachydermique timbale
à la peau blanche et tendue est
posée sur son trépied à même
le sol. Au bout, des femmes assises tiennent entre
leurs cuisses des violoncelles ventrus en équilibre sur leur
pointe.
Au milieu de la
chaussée, au
milieu de la foule, de loin en loin de frêles escabeaux
instables portent
chacun un homme ou une femme les bras levés, immobile.
La rue
entière est soudain
figée.
Les bras s'abaissent
simultanément.
Et les guitaristes
pincent
leurs cordes en pizzicati aigrelets et les flûtistes, bec en
bouche, émettent
un léger bourdonnement relayé bientôt
par les hautbois nasillards.
Des jeunes filles,
violons coincés
sous le menton, font voler en gestes légers les
archets sur les
cordes grinçantes.
Des lèvres
happent les
embouchures des trombones et des cors.
A l'étage
d'une maison à
fronton, des saxos lancent des sons amples et arrondis. Les clarinettes
vrillent. Une longue note monotone emplit toute la rue,
ponctuée parfois par la
sourde vibration de la timbale dont un homme effleure la peau blanche
d'une
baguette à boule de cuir.
La foule va et vient
entre
deux murs sonores de bruissements de ruche et de bourdonnements de vol
de taon
et s'écarte sur le passage de petits enfants
encordés marchant en faisant
tinter des triangles et sonner des grelots.
Un petit
garçon, lâchant sa
flûte traversière, se penche vers une petite fille
à son coté et
, pointant du doigt la partition devant eux lui dit:
« Y'a écrit
do dièse. »
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